jeudi 5 juillet 2012

Roumanie: destitution du président enclenchée, malgré les critiques des ONG

La coalition de centre gauche au pouvoir en Roumanie a enclenché les procédures pour la destitution du président de centre droit Traian Basescu, alors que des ONG et la presse dénoncent une "dérive antidémocratique" et des "atteintes à l'Etat de droit sans précédent".
"Le document visant la suspension du président de ses fonctions est prêt et sera déposé auprès des bureaux permanents du
Parlement dans l'après-midi", alors qu'une session extraordinaire sera convoquée jeudi et vendredi, a indiqué le vice-président de la Chambre, Viorel Hrebenciuc.

Ce texte d'une vingtaine de pages accuse M. Basescu d'avoir "sapé la démocratie
", "enfreint la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice" ou encore "provoqué des crises dans les rapports entre la présidence et les principales autorités publiques".
L'Union sociale-libérale (USL, majorité), formée du Parti social-démocrate (PSD), du Parti national libéral (PNL) et du petit Parti conservateur, dont le président fondateur Dan Voiculescu a été reconnu par la justice comme collaborateur de l'ex-police politique, la redoutable Securitate, reproche également au président d'avoir "enfreint les droits et les libertés" des Roumains.

Selon la loi fondamentale, le président peut être suspendu de ses fonctions par le Parlement "s'il commet des faits graves violant les dispositions de la Constitution".
Si la proposition de suspension est approuvée, un référendum pour destituer le président sera organisé dans un délai de trente jours.
Le gouvernement a par ailleurs adopté une ordonnance d'urgence limitant les prérogatives de la Cour constitutionnelle, qui n'est plus appelée à se prononcer sur les décisions du Parlement.
Cette modification prive M. Basescu, dont le mandat de cinq ans expire fin 2014, de la possibilité de contester la décision des élus. Les juges constitutionnels pouvaient jusqu'ici bloquer la destitution s'ils l'estimaient contraire à la Constitution.
Dénonçant une "désinformation", le Premier ministre Victor Ponta avait exclu mardi toute modification de la loi sur la Cour constitutionnelle.
"Ce qui se passe actuellement en Roumanie est en dehors des règles constitutionnelles. On assiste à une suspension de la Constitution et à son remplacement par la volonté arbitraire d'une majorité parlementaire", a déclaré à l'AFP le professeur de droit constitutionnel de l'Université de Bucarest Ioan Stanomir.
L'enclenchement de la procédure de destitution intervient au lendemain de la destitution surprise des présidents des deux chambres du Parlement et de l'avocat du peuple, lors de votes dont la légalité a été contestée par des juristes et par le Parti démocrate libéral (PDL, opposition).
Dix ONG réputées ont appelé la Commission européenne à réagir face à cette "dérive antidémocratique", estimant que l'Etat de droit est victime "d'attaques sans précedent" de la part du gouvernement.
"Ceci est un nouvel avertissement depuis l'arrivée au pouvoir de la coalition sociale-libérale (USL). La dérive antidémocratique continue avec des gestes graves ces derniers jours, qui menacent potentiellement l'indépendance des institutions et la séparation des pouvoirs", écrivent ces ONG dont la branche roumaine du Comité Helsinki, Freedom House, le groupe de réflexion Expert Forum, l'agence Active Watch et le Centre pour un journalisme indépendant.
Après la Commissaire européenne chargée de la Justice, Viviane Reding, et l'ambassadeur des Etats-Unis à Bucarest Mark Gitenstein, qui s'étaient déclarés inquiets mardi des attaques contre la Cour constitutionnelle, des diplomates ont confié leur "stupéfaction" face aux événements, sous couvert d'anonymat.
Des analystes d'Erste Bank ont eux dénoncé des actions "sans précédent, à la limite de la légalité", alors que l'économiste Laurian Lungu a indiqué au site HotNews.ro que "les effets de la crise politique génèrent un choc négatif supplémentaire pour l'économie" qui se remet difficilement après deux années de récession.
La presse évoquait une "guerre totale" de la majorité contre le camp du président, titrant sur la "dictature du non-droit" (Adevarul) ou encore sur "un assaut violent contre l'Etat de droit" (Romania libera).
M. Basescu avait déjà été suspendu de ses fonctions en mai 2007, cinq mois après l'entrée du pays dans l'Union européenne.
Il avait toutefois retrouvé son poste alors qu'une majorité des Roumains avait voté contre sa destitution lors d'un référendum.
Depuis, sa cote de confiance s'est effondrée, notamment suite à la cure draconienne d'austérité qu'il avait imposée en 2010, en accord avec l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI).
AFP, le Parisien du 04/07/2012

Note 1: le document de demande de destitution du Président Basescu comporte 17 pages
Note 2: la date du référendum est fixée au 29/07/2012.

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