mardi 23 juillet 2019

Nicolae Grigorescu (1838 - 1907), le père de la peinture roumaine moderne




Nicolae Grigorescu est né le 15 mai 1838 dans le village de Pitaru (département de Dâmbovița). Il est le 6e enfant (sur 7) de Ion et Ruxandra Grigorescu.

Ion Grigorescu était régisseur du domaine du boyard Filip Lenș. Quant à Ruxandra, elle s'occupait de couture.

Lorsque son père meurt en 1843, Ruxandra et ses enfants déménagent à Bucarest. A l'âge de 10 ans, Nicolae entre comme apprenti chez un peintre d'icônes, Anton Chladek.

Auto-portrait d'Anton Chladek

Chladek était un bon portraitiste, un bon miniaturiste, parlait plusieurs langues et s'était fait une excellente clientèle parmi les familles de boyards, les intellectuels et les marchands importants de l'époque. Son frère aîné, Gheorghe, travaillait déjà dans l'atelier d'Anton Chladek.

Gheorghe Grigorescu, surnommé Ghița

En 1850, Nicolae met un terme à son apprentissage et commence à réaliser de petites icônes qu'il vend sur les foires et les marchés de la capitale. La concurrence était rude et Nicolae devait se confronter à des peintres plus âgés et plus expérimentés que lui.

En 1853, il signe sa première oeuvre en peignant des icônes pour l'église de Băicoi avec l'aide de Niță Pârâiescu. Il réalise 6 grandes icônes et 11 icônes représentant des fêtes religieuses (prăznicare).

Icône de Saint Georges

Icône de la Bonne Nouvelle

Icône de l'Evangéliste Matthieu
Les Saints Empereurs Constantin et Elena

Les Saints Ilie, Sava et Pantelimon

La Mort de la Vierge Marie

En 1854 et 1855, il peint d'autres icônes pour le monastère de Căldărușani.
Le monastère de Căldărușan
Icône du Dimanche de Tous les Saints

Jésus enseignant

Jésus et la Samaritaine

Le Couronnement de la Vierge Marie

Saint Etienne

Les Saints Georges et Dimitri

Le 5 janvier 1856, il présente au prince Barbu Știrbei le tableau Michel sauvant l'étendard et sollicite son soutien.
Le 7 septembre, il présente au régent Alexandru Dimitrie Ghica une nouvelle requête en vue d'obtenir une bourse d'étude mais en vain.

Requête de Nicolae Grigorescu adressée à Alexandru Dimitrie Ghica


Entre 1856 et 1857, il peint au monastère de Zamfira.


Iconostase* de l'église du Monastère de Zamfira
* L'iconostase est un mur séparateur entre la nef et l'autel, habituellement en bois sculpté, sur lequel sont fixées les icônes selon une règle précise.


Epitaphe du monastère de Zamfira
La Nativité
Les Saints Empereurs Constantin et Elena
Saint Nicolas
L'Archange Michel
La Vierge portant Jésus dans ses bras
Saint Jean Baptiste

Peinture murale du Monastère de Zamfira, réalisée par Nicolae Grigorescu au cours de la période 1856-1857


La coupole de l'église
Le Déisis (Jésus représenté entre sa Mère et Saint Jean - Baptiste, thème fréquent de l'iconographie orthodoxe)

Toujours en 1857, il se présente à un concours organisé par le Conseil des Ecoles pour une bourse en Italie. Il est refusé au profit de Constantin I. Stăncescu, le protégé de Tattarescu, au motif qu'il ne remplit pas les conditions requises.

Constantin I. Stăncescu
Gheorghe Tattarescu

Le 2 avril 1858, il signe un contrat pour peindre au monastère d'Agapia. Certaines icônes (La Mère du Christ, Jésus) seront cataloguées comme oeuvres capitales du style néoclassique de l'art roumain.
Parallèlement, il donne des cours de dessin et de peinture aux moniales qui ont des aptitudes artistiques.
Le Monastère d'Agapia
Contrat de Grigorescu pour le Monastère d'Agapia




Le Chemin de Croix (Le Calvaire)

Peintures murales

Iconostase du Monastère d'Agapia

Peintures murales

Le Prophète Daniel (possible auto-portrait)

Saint Georges
La Mère du Christ
Jésus

La Mise au Tombeau
C'est à Agapia qu'il est remarqué par Mihail Kogălniceanu, alors ministre des toutes jeunes Principautés - Unies de Valachie et de Moldavie.

En septembre 1861, ce dernier intervient pour que soit versé à Nicolae Grigorescu une bourse d'un montant de 260 or. Cette bourse va lui permettre de partir en France. Ce sera chose faite à l'automne 1861.

Arrivé dans la capitale française, il va d'abord fréquenter l'atelier de Charles Gleyre puis celui de Sébastien Cornu.
En mars 1862, il se présente et est admis au concours d'entrée à l'Ecole Nationale des Beaux - Arts dont il suit assidûment les cours jusqu'en 1863. Cependant, il se rend vite compte que cette voie n'est pas la sienne.

Il passe l'été 1862 à Barbizon, en essayant de se préparer à l'une des épreuves du concours de paysages de l'école.

En juillet 1863, il part à Barbizon pour environ un an, renonçant à fréquenter l'Ecole des Beaux-Arts. Il complète son éducation artistique en fréquentant les deux grands musées parisiens: le Louvre et le Luxembourg. Il y effectue des esquisses à la plume, au crayon ou copie à l'huile les chefs d'oeuvre des grands maîtres qu'il pouvait enfin admirer.

Travailleur à Fontainebleau
Intérieur de cour à Barbizon
Ferme à Barbizon
Nicolae Grigorescu à Barbizon en compagnie de Corot, Millet et Courbet

Le mal du pays (le fameux dor roumain) lui fait imaginer des compositions d'inspiration nationale comme Dragoș et le bison et l'Union des Principautés.

Dragoș et le bison (esquisse)
L'Union des Principautés
En 1864, il revient au pays pour une courte période. Il s'arrête en chemin en Galicie et en Moldavie, où il dessine et peint des images et des modèles propres à ces endroits.
De juillet à octobre, il voyage à travers le pays pour récupérer du matériel documentaire en prévision de la réalisation d'un tableau ayant un thème roumain, probablement préparé pour l'Exposition Universelle qui doit avoir lieu à Paris en 1867.

Montagnard (1867)
Maternité (1867)

Il y participe avec 7 toiles.
La même année, il rentre de nouveau en Roumanie où il restera de mai à septembre; il peint à Căldărușani, Târgoviște, Câmpulung et Rucăr.

En 1868, il est invité à participer à l'exposition des peintres de Barbizon où l'empereur Napoléon III achète le tableau Un vase avec des fleurs. Au printemps, il expose pour la première fois une oeuvre (Jeune tsigane) au Salon de Paris.

Jeune tsigane
La vieille femme aux oies (1868)
Auto-portrait (1868)

L'année suivante, il expose deux tableaux au Salon de Paris (Tentes tsiganes et Chasse). Il revient en Roumanie mais à l'automne il tombe malade et est soigné par le docteur Carol Davila.

Chasse

En 1870, il expose 26 toiles à la 3e édition de l'Exposition des artistes en vie. Il reçoit la médaille d'or pour son tableau intitulé Portrait du Grand Ban Năsturel Herescu.


Portrait du Grand Ban Năsturel Herescu
Tentes tsiganes au coucher du soleil

Le jeu plait aux deux

Le limonadier

Perdrix et cailles

Paysanne filant la laine

Il voyage avec ses amis, Alfred Bernath et Dimitrie Grecescu, dans la Vallée de Ialomița et dans la zone de Dambovicioara. Il peint à Rucăr.
Avec son ami Alfred Bernath, il improvise un atelier de gravure dans sa résidence.

En 1870, il fait le portrait des Ghiculescu pour le Conseil des Hôpitaux Civils. Il voyage de nouveau à travers le pays. En septembre, il est à la montagne en compagnie de son ami Nae Bassarabescu, le rédacteur de la feuille "Le Peuple".

Il ne participe pas à l'exposition de 1872, sans doute insatisfait de l'attitude des organisateurs. Certains de ses travaux préparés pour l'exposition sont cependant présentés au public dans la vitrine du magasin d'Alexis Gebauer qui se trouvait sur l'actuelle Calea Victoriei.

Le 1er janvier 1873, s'ouvre la première exposition organisée par la Société des Amis des Beaux - Arts de Roumanie à laquelle Grigorescu participe avec 146 oeuvres. La même année, l'artiste participe à l'Exposition Universelle de Vienne.

Couverture du catalogue de l'exposition organisée par la Sté des Amis des Beaux Arts de Roumanie
Une fleur parmi les fleurs

Deux ivrognes

Vieille femme reprisant

Le Garde de Chailly

Entre 1873 et 1874, il effectue un long voyage en Italie, passant d'abord par Vienne et descendant ensuite à Trieste pour rejoindre Venise, Rome et Naples. En hiver, il peint des nus dans une académie de Rome. Il revient dans son pays via la Grèce et Constantinople.

En juillet 1874, il se trouve à Bacău où il va rester jusqu'à la fin de l'année, avec quelques interruptions. Il peint Le Juif au caftan.



Lors de la 3e édition de la Société des Amis des Beaux - Arts de Bucarest, en 1876, il expose des sujets ruraux (Le petit troupeau) ainsi que des études rapportées d'Italie et de Bacău. Il repart en France où il peint la première série des vues de Vitré.

Le petit troupeau





En 1877, au déclenchement de la guerre d'Indépendance, il se trouve en France. Il revient précipitamment au pays pour rejoindre l'armée roumaine en campagne. Il assiste aux combats en première ligne, exécutant des centaines de dessins et quelques oeuvres à l'huile dont il se servira plus tard, dans ses compositions consacrées à la guerre.

La Sentinelle
Le Soldat d'infanterie
L'espion

A la fontaine

A partir de 1879, il se trouve de nouveau à Paris où il va garder l'atelier jusqu'après 1890.

En 1880, il expose Le Juif à l'oie au Salon de Paris.



En 1881, déçu de l'indifférence des officiels, il nourrit l'intention de s'expatrier. Il organise une grande exposition personnelle dans le but de vendre ses oeuvres et les objets d'art qu'il possède. Il participe à l'Exposition des Artistes en vie avec quelques oeuvres capitales, parmi lesquelles L'Intendant.

L'Intendant

Portrait de Grigore Ghica IV

Tsigane de Ghergani

Il expose, en 1882, au Salon de Paris l'une de ses ouvres préférées, Coin atelier. En Roumanie, il est présent à l'exposition de Stavropoleos avec le portrait de Dimitrie Ghica.

Coin atelier
Il voyage en France, en Bretagne et près de Paris, à Brolles. Il peint des paysages marins, des paysages avec personnes, de nouvelles vues de Vitré.

En 1885, il termine l'Attaque de Smârdan, la grande toile commandée à l'artiste en 1878 par la Mairie de Bucarest.

Attaque de Smârdan

Il expose à l'Intim Club environ 60 oeuvres, parmi lesquelles de nombreux dessins et huiles inspirés par la Guerre d'Indépendance.

L'année suivante, il expose de nouveau à l'Intim Club. A la fin de l'année, il repart en France où il ouvre une exposition personnelle à Paris, à la salle Martinet, sur le Boulevard des Italiens.

Le porteur d'eau

La vedette
1886 est également l'année de naissance de son fils Gheorghe; enfant qu'il a eu avec son amie de toujours, Maria Dáncs (Dancu ou Danciu).

Maria Dáncs

Maria Dáncs peinte par Grigorescu

Son fils Gheorghe à l'âge de 3 ans peint par Grigorescu

Au début de l'année 1887, il se trouve toujours à Paris. La presse française ne tarit pas d'éloge à propos de ses tableaux.
De retour au pays, Grigorescu se présente au public avec une ample exposition (220 oeuvres), pleine de succès.
Il peint à Posada (NB: lieu d'une victoire de Basarab Ier sur les Hongrois), où il reviendra les années suivantes.

Paysage de Posada

En 1889, il participe à l'Exposition Universelle de Paris et au Salon de l'Athénée Roumain, récemment inauguré.

A partir de 1890, il s'installe à Câmpina (département de Prahova), où il se dédie principalement aux sujets ruraux; il peint des portraits de paysans, des chars à boeufs sur les routes poussiéreuses du pays et de nombreux paysages typiquement roumains.

En 1899, il est nommé membre honoraire de l'Académie Roumaine.

En 1900, invité à l'Exposition Universelle de Paris, Grigorescu se rétracte au dernier moment, insatisfait de l'emplacement accordé pour l'exposition de ses tableaux. Il organise une exposition personnelle à l'Athénée. D'autres suivront en 1901 et 1902.

En 1903 et 1904, il peint à Agapia et à Văratic. Il commence également la construction de sa maison à Câmpina.
La maison de Grigorescu peinte par Grigorescu

En 1905, il participe à sa dernière exposition à l'Athénée.

En 1906, le peintre s'occupe personnellement de l'organisation de la section consacrée à son oeuvre à l'Exposition Générale de Bucarest.

Nicolae Grigorescu à la fin de sa vie

Le 21 juillet, Nicolae Grigorescu s'éteint à Câmpina entouré de sa femme Maria, de leur fils Gheorghe, de quelques amis parmi lesquels Alexandru Vlahuță, Barbu Delavrancea et Alfred Bernath. Il laisse sur le chevalet une oeuvre inachevée, Retour de la foire.

Musée Nicolae Grigorescu de Câmpina. La maison initiale ayant brûlée en 1918, elle fut reconstruite en 1954.



Paysanne au foulard
Source: Grigorescu (Monitor Oficial, 2015)